Vous avez remarqué, il y a des modes. Toutes sortes de modes. Pas seulement sur la longueur des jupes ou des pantalons, il y en a dans tous les domaines, même celui des équipements routiers. Vous ne me croyez pas ?

Il y a eu celle des ronds-points, on en voyait fleurir partout, vous vous souvenez ?  La commune de Gémenos en est une parfaite illustration, on n’en a jamais vu autant concentrés sur aussi peu de surface. Certains sont sobres, simplement couverts d’une économique pelouse. D’autres sont richement décorés, avec de faux puits en pierre de taille, des massifs de fleurs, des arbres, des murets, d’antiques éoliennes, ou plus classiquement des fontaines, le tout sur une perspective imaginée par un décorateur professionnel. Implantés dans des lieux dont on se demande parfois quelle circulation ils sont censés fluidifier tant ils nous paraissent constamment déserts. Peut-être qu’on ne passe pas à l’heure de pointe. Leur constante reste le coût ; quand on y pense, ça laisse rêveur.

Suivra la mode des dos d’âne, également nommés « gendarmes couchés ». Une invention vraiment agréable : secoués comme dans les manèges de Fest-Noz de vos dernières vacances en Bretagne. Notre voisin Nans-les-Pins est tombé sous leur charme, ils y fleurissent, tout de même pas aussi nombreux que les ronds-points de Gémenos, mais... Gare à vos amortisseurs ! Les gendarmes couchés sont comme les gendarmes debout et en uniforme, campés sur le bord de la route : ils sont là pour nous obliger à ralentir. Eh oui, nous roulons trop vite dans nos villages, ailleurs aussi, énervés que nous sommes par notre vie active et trépidante. Alors nos autorités responsables et raisonnables ont imaginé un remède à nos imprudences.

                          Dos d'ânes en Chine....

Et vous connaissez la dernière mode ? Celle de la voie étroite. Vous avez dû les tester, on en voit partout depuis quelque temps : on nous construit aujourd’hui des trottoirs où personne ne marchera jamais, juste pour rendre la voie naguère si confortable en une ruelle où vous ne croiserez un camion qu’en empiétant sur le trottoir inachevé. Pan, la jante. Question aisance, c’est un peu comme si on vous faisait enfiler une veste cintrée en taille 38, alors que vous faites un bon 42.

Mais c’est notre faute ; nous roulons trop vite. Nous sommes punis pour notre inconscience. Il faut dire que c’est tentant, surtout quand on a 150 chevaux sous le pied, une grosse voiture à la carrosserie rassurante, qu’on n’a pas su se lever à l’heure, que le bus scolaire a bloqué la voie pendant au moins deux minutes, et qu’il y a un « pas pressé » qui vous précède à un honnête 60 km/h. Vous vous demandez s’il va au bureau ou en randonnée celui-là. Après une vaine tentative pour le faire accélérer en vous collant à son pare-chocs arrière, au premier petit bout de droite, hop ! On double. Et une petite queue de poisson en sus, histoire de lui apprendre à vivre, à ce traînard…

Puis on enchaîne rapidement les virages, ben oui, pas beaucoup de lignes droites dans notre Sainte Baume. Vous avez oublié ? Vous êtes en montagne… Ca glisse tout seul, les voitures tiennent bien la route de nos jours, c’est pas comme la 4L de notre jeunesse, pas de problème, on maîtrise. Il n’y a pas grand monde à cette heure. Quoi que... Et puis c’est vrai, on est tous des as du volant. Tout le monde pense qu’il conduit parfaitement, je n’ai jamais entendu personne me dire : « Oh là là, la conduite c’est pas mon truc, rien de commun avec Sébastien Loeb, moi. Je roule en plein milieu, de préférence plein phares, et les antibrouillards pour faire bonne mesure, et les autres n’ont qu’à ne pas être là. » 

On croit tous qu’on est prudents. Qu’on maîtrise. Que nos réflexes sont parfaits. Et puis on fait la route tous les jours : on la connaît par cœur. Alors on file. Et c’est si bien porté de dire sur un ton faussement contrit « oui, je sais, je roule trop vite ». Et puis un jour, on tombe nez à nez à la sortie d’un virage avec le camion de chez Plumier qui monte tranquillement ses parpaings sur un chantier au Plan. Ca calme d’un seul coup.

Variante : le vent a tourné cette nuit, et les plaques de verglas ont changé de place entre la Coutronne et l’Espigoulier. L’arrière de la voiture qui cherche à prendre la place de l’avant, ça met un vieux coup d’adrénaline au creux de l’estomac, vous voyez sûrement de quoi je veux parler.

Un Plandalen nouvellement implanté me faisait remarquer que nos voies d’accès ne sont pas sécurisées. Je n’y avais jamais fait attention,  mais il a raison, c’est vrai qu’il n’y a pas beaucoup de glissières de sécurité. En passant en moto sur la route d’Auriol le ravin m’a paru flagrant, immense, et surtout profond ! Et situé très très près de la chaussée… En voiture on le remarque beaucoup moins, surtout le matin quand il fait encore nuit, ou le soir quand il fait déjà nuit. Mais il est bien là.

Et la conduite sur neige ? Vous êtes au bureau sans vous douter de rien, quand un collègue qui n’en revient toujours pas que vous puissiez vivre dans cette montagne perdue vous envoie un mail vicieux : le dernier bulletin météo. Vous vous tordez le cou pour apercevoir notre Sainte Baume, et c’est tout blanc là-haut. Il faut partir tout de suite sinon la route sera coupée. Alors vous partez, la conscience tranquille parce que cette année, vous avez pensé à mettre les chaînes dans la voiture dès le mois d’Octobre. Vous êtes assez fier de vous sur ce coup-là. Sauf que « les autres » n’y ont pas pensé, pas grave puisqu'ils ont tous au moins le niveau de Ari Vatanen question pilotage. Mais leur voiture n’a pas suivi, tout le monde est en travers sur la neige qui gèle au fur et à mesure que le soir tombe.

Vous fulminez, mais pas très longtemps, l’ambiance est plutôt à la rigolade au bord de la route, même si on a tous les pieds et les oreilles gelés. Le 15 Novembre 2008, partie du bureau à trois heures de l’après-midi je suis arrivée chez moi à sept heures et demie du soir, ayant fait les 4 derniers kilomètres à pied, après avoir poussé une bonne douzaine de  « sans-chaînes » dans la montée d’Auriol. Il y a bien eu un peu de casse mais personne n’a fini dans le ravin. C'est un bon souvenir, j'ai rencontré plein de gens sympa que je ne connaissais pas.

Le lendemain de cette aventure il y a quinze centimètres de neige devant votre porte. Allez-vous descendre travailler ? Pendant longtemps j’ai pris des risques pour aller à tout prix au bureau. Jusqu’au jour où je suis arrivée avec trois quarts d’heure de retard parce que j’étais descendue chaînes aux pneus par la route de St Zacharie, celle d’Auriol étant coupée dans l’attente du chasse-neige. Et le responsable du personnel, le sourcil froncé, m’a accueillie en désignant sa montre. Depuis, je ne descends plus jamais quand il neige.

Ca fait partie du jeu quand on a décidé de vivre au Plan d’Aups. Les voies d’accès ne sont pas faciles, la météo non plus, mais on a choisi, et on ne peut tout de même pas exiger des barrières de sécurité à chaque virage, d’ailleurs peut-on matériellement le faire ? La DDE se donne du mal pour saler tous les jours en hiver, les routes ont été récemment élargies et regoudronnées, il n’y a pas si longtemps on avait l’impression de quitter la « civilisation » quand on remontait par la route de Gémenos.

C’est vrai que ce n’est pas simple le gym khânat entre les cailloux tombés sur la chaussée, les plaques de verglas, la neige, et tout ce temps passé sur la route, mais est-ce que le paysage ne vaut pas la peine de se donner un peu de mal, de se lever un quart d’heure plus tôt pour descendre en toute quiétude, c’est tout de même une autre qualité de vie que celle de nos collègues de bureau pare-chocs contre pare-chocs sur l’autoroute Marseille-Aubagne, non ?

Allons, un petit effort… Et puis, cette semaine, pensez aux chaînes. Il y a des circonstances, comme celles du pied photo d’Hervé, où vous serez contents de les avoir dans votre coffre.

Plume d'Oie